Le mirage du "laziness-food" ou quand l'économie réelle rattrape l'emballement financier
- thomasgrimont
- 14 févr. 2022
- 2 min de lecture
Parallèle saisissant entre l'engouement capitalistique pour les fameuses start-ups de l'univers fast-food et les critères intransigeants du marché concurrentiel. La mort programmée de la petite licorne ?

[...] Ils ont un généreux pouvoir d’achat, sont pressés, technophiles et d’une impatience compulsive. Ils ne peuvent pas attendre, encore moins marcher dix minutes. Ils empruntent une trottinette en libre-service pour faire deux cents mètres, et oublient leur éco-anxiété, l’espace d’une commande sur Amazon Fresh, Doordash, UberEats, ou autres.
Ce sont les acteurs de l’économie de la paresse, un secteur qui explose dans toutes les grandes villes.
A Paris, les couloirs du métro sont envahis par des publicités pour tous ces services impossibles à distinguer les uns des autres autrement que par l’intensité de leur matraquage promotionnel. Tout comme à Londres, Berlin, Amsterdam avec Dija, Gorillas, Flink, Weezy, GrubHub, Jokr…
Le plus surprenant est que ces entreprises parviennent à attirer autant de capitaux. Normalement, tout investisseur avisé serait fondé à les éviter sur la base d’un simple examen des repoussoirs suivants :
Concurrence féroce
Scalabilité médiocre (elle dépend du nombre de livreurs)
Absence de barrière à l’entrée ou de technologie différenciante
Obscénité environnementale
Une solide contribution, en revanche, à la gig economy et sa précarité endémique
Un environnement sévèrement réglementé
L’ombre portée du géant Amazon, plus rentable, plus performant, plus implacable dans son exécution.
Et pourtant, les investisseurs, par peur de ne pas en être, se bousculent.
Aux Etats-Unis et en Europe, les 10 plus gros livreurs d’épicerie à domicile ont collectivement levé près de 15 milliards de dollars.
[...]
Le fantasme urbain de l’épicerie à domicile est aussi vieux qu'internet. Au tournant des années 2000, la Baie de San Francisco ne jurait que par Webvan ou Kozmo. Généreusement financées et survalorisées, ces deux entreprises n’avaient pas la rigueur logistique d’un Amazon et elles ont disparu dans la supernova de la bulle internet.
Aucune chance que cela tienne davantage en 2022. L’Allemand Gorillas a levé 1.3 milliard de dollars depuis sa création en 2019 ce qui en fait la licorne la plus rapide de l’Ouest, alors que Jokr (430 millions levés) livre surtout des pertes à ses investisseurs avec 8 dollars de déficit pour un dollar de chiffre d’affaires.
[...]
La seule gagnante de cet écosystème malade sera l’industrie de la perte de poids — salles de gym, articles de fitness — car avec cette sédentarité bien entretenue, l’unique indice en hausse sera celui de la masse corporelle des clients.
Extrait de "L’économie de la paresse a levé 15 milliards de dollars" in Episodiqu.es
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